Αθήνα, 20 Ιουλίου 2015
Interview d’ Evaggelos Venizelos a accordée a L’ Echo
"Nous avons été traités bien plus durement que Tsipras"
Dans une interview qu’il nous a accordée, l’ancien ministre des Finances grec, Evangelos Venizelos, estime qu’après l’accord intervenu avec les créanciers, la situation politique intérieure en Grèce est devenue intenable. Pour ce membre du Pasok, le parti traditionnel de gauche actuellement dans l’opposition, "les arguments que le Premier ministre Tsipras a utilisés pendant cinq ans ne tiennent plus la route". Le gouvernement de ce dernier, estime-t-il, ne tient sa majorité parlementaire que grâce à l’opposition, qui lui a permis d’approuver cette semaine l’accord intervenu lundi à l’arraché. Et de prévenir: "On ne peut pas espérer réellement appliquer l’accord conclu sur ces bases-là.
Vieux routier de la vie politique grecque, l’ex-vice-président du Gouvernement Papandreou, Evangelos Venizelos a aussi été ministre des Finances du pays entre octobre 2011 et mars 2012 et président du Pasok, le parti socialiste grec, de 2012 à juin 2015. Il est aujourd’hui député et porte-parole parlementaire du parti.
Vous avez récemment déclaré que désormais Alexis Tsipras a deux majorités distinctes au parlement. Expliquez-nous…
La situation au parlement grec aujourd’hui est complètement inédite, et ne rentre dans aucune des catégories classique d’un système de gouvernance parlementaire. Ce gouvernement ne possède plus une vraie majorité parlementaire mais il ne s’agit pas non plus d’un gouvernement minoritaire puisqu’il continue de gouverner avec la tolérance de l’opposition. On a devant nous un gouvernement qui a réussi à avoir une majorité double, qui fonctionne par alternance!
Sa première majorité est constituée des députés de la coalition gouvernementale qui est là pour soutenir tout projet de loi qui n’a pas de coût politique. En son sein la rhétorique anti-mémorandum qui a porté le Syriza au pouvoir continue d’agir comme si de rien n’était.
La deuxième majorité consiste principalement des forces pro-européennes de l’opposition, c’est-à-dire Nouvelle Démocratie (droite), To Potami (centre libéral) et le Pasok (centre gauche). Elle devient majoritaire avec les voix d’une partie de la coalition gouvernementale et elle constitue une majorité de responsabilité nationale qui est là pour voter les mesures difficiles et impopulaires
Quel avenir pour un gouvernement qui se retrouve dans une telle situation?
Il s’agit d’une situation très fragile. On ne peut pas espérer appliquer réellement l’accord conclu sur ses bases là. La situation est paradoxale mais l’opposition ne suffira pas pour appliquer des mesures auxquelles le premier ministre lui-même déclare qu’il ne croit pas. Au final, des législatives anticipées seraient catastrophiques pour le pays dans la situation actuelle. En même temps, le Premier ministre ne pourra pas continuer à gouverner si les défections au sein de son propre camp se multiplient…
Dans la rhétorique du "on n’a pas le choix", on a l’impression qu’aujourd’hui Alexis Tsipras utilise quasiment les mêmes arguments que vous utilisiez déjà en 2010, concernant le premier plan d’aide…
Absolument! Que dit M. Tsipras aujourd’hui? Qu’a-t-il dit au parlement avant le vote concernant l’accord de dimanche dernier? Que le pays est devant un choix difficile: un troisième plan d’aide, donc aussi un troisième mémorandum ou le "Grexit" et une faillite incontrôlée du pays… Il considère évidemment que l’accord, même s’il est très difficile, vaut mieux que la deuxième "solution". C’est exactement notre argumentation en 2010, en 2011 et en 2012…. Mais à l’époque, il nous disait qu’il y avait une autre voie: menacer nos partenaires avec la faillite de notre propre pays! Dans ce monde imaginaire, la peur d’une faillite de la Grèce aurait conduit nos partenaires à nous proposer des plans d’aide plus avantageux…
Mais à l’époque, l’exposition des banques françaises et allemandes à la dette grecque aurait influencé les décisions européennes…
C’est évident, et Jean-Claude Trichet le président de la BCE à l’époque l’avait bien expliqué: que le sauvetage des banques européennes était nécessaire pour que les économies des pays européens ne soient pas englouties par la crise… Mais on oublie que si tout cela devait arriver, les banques grecques auraient été détruites elles aussi.
Par ailleurs, quand on sait que le déficit budgétaire du pays a l’époque était de 15,7% et qu’une confrontation telle que la désirait Mr Tsipras aurait laissé l’État dans l’incapacité absolue de payer non seulement les salaires et les retraites mais aussi le fonctionnement des hôpitaux, des écoles, etc, on voit bien qu’on n’est pas dans le domaine du réel. Aujourd’hui, avec la volte-face du Premier ministre et son acceptation du plan européen c’est toute cette théorie d’un choix alternatif qui a disparu: le manque de financement extérieur a poussé le pays au bord du gouffre… Les arguments qu’Alexis Tsipras a utilisés pendant cinq ans ne tiennent plus la route. Confrontés a la réalité pendant cinq mois, ils se sont écroulés comme un château de cartes. Il n’y a ni plan B, ni solutions faciles.
Après l’accord de dimanche, une grande partie de la presse européenne et anglo-saxonne s’est focalisée sur la dureté de l’accord et les mécanismes de pression que l’Europe a utilisée pour obliger Alexis Tsipras à céder. Qu’en pensez-vous?
La Grèce a été traitée de manière très dure dès 2010. J’ai déjà déclaré à plusieurs reprises que, lors du second semestre de 2014, nous avons été traités bien plus durement que Mr Tsipras. Car avec lui, l’Europe a non seulement laissé les négociations ouvertes pendant plus de cinq mois. Elle a aussi accepté de retourner à la table des négociations après le référendum du 5 juillet. On peut donc dire que, d’une certaine manière, l’UE a montré une grande tolérance. Au-delà de ça, il faut aussi comprendre qu’il y a des cercles au sein du l’UE et au sein de l’économie mondiale qui ne veulent pas de la zone euro. À chaque fois que celle-ci est en difficulté, ils essaient de toutes les manières de la rendre plus instable encore. Au sein du Royaume-Uni, par exemple, beaucoup ont besoin d’une zone euro instable pour défendre la justesse de leur choix de ne pas la rejoindre. Tout est donc fait pour focaliser l’attention sur les insuffisances et les erreurs de la monnaie unique. Par ailleurs on sait très bien aussi que les forces eurosceptiques sont en train de se renforcer un peu partout à travers l’Union, et elles aussi ont besoin de mettre en exergue tout ce qui ne marche pas pour valider leur récit d’une Union anti-démocratique et catastrophique pour les peuples.
Ne considérez-vous pas cependant qu’il y a, au sein de l’UE et de la zone euro, un vrai problème de légitimité démocratique dans la prise de décisions?
C’est une réalité partielle qui existe depuis cinq décennies. Le déficit démocratique et politique de l’Union Européenne est un problème auquel se trouve constamment confrontée la construction européenne. Mais cela ne doit pas créer l’illusion que le vote d’un seul peuple européen devrait suffire pour mettre fin à une question qui est négociée avec les créditeurs dudit pays! Car ici, nous n’avons pas affaire à une relation purement politique. La question grecque n’a rien à voir avec, par exemple, le débat sur le traité de Lisbonne, ou la décision prise par référendum par le peuple danois de ne pas faire partie de l’Euro.